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Le recadrage d'Éric Dupond-Moretti, le garde des Sceaux, envers les magistrats est reçu comme une "soufflante" pour certains. (THOMAS PADILLA / MAXPPP)
Depuis Marseille où le gouvernement a annoncé mardi l'opération "place nette XXL" pour lutter contre le trafic de drogue, Éric Dupond-Moretti a recadré les magistrats marseillais qui avaient dénoncé le narcotrafic qui gangrène la cité phocéenne.
Alors que les relations entre les magistrats et leur ministre de tutelle, Éric Dupond-Moretti semblaient se réchauffer, l'opération anti-drogue à Marseille, baptisée par les autorités "place nette XXL", semble occasionner un regain de tensions. Le principal syndicat de magistrats, l'USM, monte au créneau, regrette et dénonce même ce que certains appellent, au mieux, "la mise au point", et d'autres la "soufflante" du garde des Sceaux, cette semaine, face aux magistrats marseillais. Le garde des Sceaux a peu goûté les propos de différents magistrats, dont des Marseillais, devant la commission d'enquête du Sénat sur le narcotrafic, le 5 mars dernier. "C'est l'État qui se trouve en situation de vulnérabilité face à des trafiquants qui disposent d'une force de frappe considérable. [...] Il est indispensable de mettre un plan Marshall en œuvre", a par exemple confié Olivier Leurent, président du tribunal judiciaire de Marseille. . "Je crains que nous soyons en train de perdre la guerre contre les trafiquants", a ajouté sa vice-présidente Isabelle Couderc, alors que le procureur de Marseille Nicolas Bessone décrivait, lui, une "mexicanisation de la situation avec des assassinats ou tentatives d'assassinat à la prison des Baumettes ces derniers jours". Il ajoutait : "On aurait besoin de prisons de très haute sécurité comme il existe dans certains pays sinon en l'état, nous sommes un petit peu dépassés".
La prise de parole du ministre mal vécue par les magistrats
Présent à Marseille mardi aux côtés du président de la République Emmanuel Macron et du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, dans le cadre de l'opération baptisée "Place nette XXL", le ministre de la Justice a opéré un recadrage en préambule de son échange d'1h20 avec les magistrats marseillais. Sa colère était "visible" selon certains témoins. "Par vos propos vous avez fait le jeu de l'extrême droite", leur a lancé Éric Dupond-Moretti, ou encore "Que vais-je dire aux Français ? Qu'on a augmenté vos moyens de 60%, pour rien ?"
Le garde des Sceaux est en droit de s'adresser ainsi aux procureurs qui sont sous son autorité. Mais il n'en est pas de même avec un président du tribunal qui est indépendant et dont il n'est pas le supérieur. Le moment a donc été mal vécu par certains des magistrats dans la salle et, au-delà, par une partie de la profession. L'Union syndicale des magistrats a réagi en publiant un communiqué intitulé "Énoncer une réalité judiciaire n'est ni un interdit, ni un séisme". Il y est rappelé que les magistrats marseillais devant les sénateurs de la commission d'enquête sur le narcotrafic "étaient sous serment et ne pouvaient donc altérer ou minorer la réalité de leur constat de praticiens".
Les magistrats défendent leur liberté de parole
Jointe par franceinfo, la vice-présidente de l'USM, principal syndicat de magistrats, Cécile Mamelin a décrit la sidération qu'a créée cette prise de parole d'Éric Dupond-Moretti. "Le message délivré en somme était 'votre parole n'est pas libre' et on peut se demander de quel droit un ministre pourrait museler la parole de magistrats qui, s'ils sont soumis à un devoir de réserve, n'en sont pas moins libres de leurs propos dans le débat public". Elle ajoute : "Nous sommes dans la communication d'une réalité concrète vécue par les collègues avec difficulté sur le terrain. En aucun cas, nous ne devons nous aligner sur la communication politique d'un garde des Sceaux ou d'un autre".
"Même si on peut saluer une augmentation des moyens globaux de la Justice, nous sommes en France, et nous avons encore le droit de dire que des efforts restent à faire dans la lutte contre le narcotrafic." Cécile Mamelin, vice-présidente de l'USM à franceinfo
Du côté de la chancellerie, on explique que le garde des Sceaux était dans son rôle de garant du bon fonctionnement de la justice et qu'il a juste voulu mettre en garde contre les dangers d'un certain défaitisme. Son discours était fédérateur, selon son entourage, et avait aussi pour but de rappeler que jamais autant d'efforts budgétaires n'ont été réalisés pour la justice, notamment à Marseille, l'une des juridictions les mieux dotées de France. Le ministère rappelle qu'entre 2017 et 2024, le tribunal de Marseille a accueilli 54 magistrats et 84 greffiers supplémentaires.
Source: Franceinfo
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